Boyer, C., Morneau-Guérin, F. (2023). Les œillères d'un discours constructiviste — Les errances de Allaire et ses collègues (2022a) dans leur réplique au texte de Boyer et Bissonnette (2021) portant sur l'enseignement à distance et les écoles virtuelles. Éditions de l'Apprentissage, Collection Des points sur les i et des barres sur les t.
... NOUVELLE ÉDITION...
Après la première année de la Pandémie, Boyer et Bissonnette (2021) concluent « [qu'] à la lumière des études et des résultats disponibles, il s'avère inapproprié de recommander une transformation profonde de l'école actuelle au profit d'une école virtuelle offrant uniquement un enseignement à distance ». Cette conclusion est similaire à celle d'autres auteurs et chercheurs.
Stéphane Allaire, Marie-Pier Forest, Nancy Granger, Mélanie Tremblay, Nicole Monney, Patrick Charland et Patrick Giroux (2022a) ont critiqué le texte de Christian Boyer et Steve Bissonnette (2021).
Le présent texte est une réponse explicite et détaillée aux critiques de Allaire et ses collaborateurs. Nous en profitons pour nommer l'innommable dans le monde scolaire que constitue l'hégémonie quasi totale d'un courant pédagogique : le constructivisme et ses dérivés. Ce courant, associé depuis quelques années au postmodernisme, est sous-jacent à toutes les critiques de Allaire et ses collègues. Ce courant est également à la base de l'aversion du système scolaire, des facultés de l'éducation et du ministère de l'Éducation du Québec à l'usage des données probantes, aux évaluations objectives, à la rigueur et au suivi systématique des effets des actions et des politiques.
Boyer et Morneau-Guérin, dans le présent texte, répondent explicitement et d'une manière limpide aux nombreuses assertions erronées de Allaire et ses collègues (2022a).
Il va sans dire que Boyer et Morneau-Guérin ne souhaitent pas réduire Allaire et son équipe au silence. Bien au contraire, ils les appellent même de tous leurs vœux à s'expliquer plus avant.
Au cours des dernières années, de futurs enseignants se sont fait dire qu’ils devaient enseigner aux enfants en respectant le style d’apprentissage de chacun et son type d’intelligence (la théorie des intelligences multiples) ;
Qu’il n’était pas nécessaire d’enseigner systématiquement le décodage des lettres aux enfants pour leur apprendre à lire (la théorie du Whole Language et ses dérivés) ;
Que les meilleures pédagogies devaient amener les enfants à découvrir par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre ;
Que l’usage des technologies en classe avait un fort effet positif sur les apprentissages ;
Que les compétences du XXIe siècle existaient et qu’elles pouvaient être enseignées et se généraliser ;
Qu’il n’était pas recommandé de passer des tests pédagogiques et encore moins de le faire fréquemment ;
Et qu’au préscolaire, le simple apprentissage des lettres et encore plus l’apprentissage de la lecture sont non seulement dangereux, mais constituent même d’impardonnables sacrilèges...
Les recherches dévalorisées
Tout ce qui précède est soit invalidé par la recherche scientifique (données probantes), soit non appuyé par celle-ci. Alors, pourquoi ces approches pédagogiques sont-elles enseignées au futur personnel enseignant ? Pourquoi sont-elles présentées comme si elles étaient des connaissances appuyées par la recherche scientifique ?
La réponse à ces questions est simple. Dans les facultés d’éducation, un fort contingent de professeurs dévalorise les données probantes et la recherche scientifique, et ce, depuis presque toujours. Ils le font en adoptant des doctrines comme le constructivisme et le postmodernisme, ce qui les conduit à adhérer aux idées énoncées plus haut.
Qu’est-ce que ça mange en hiver le constructivisme et le postmodernisme ?
Essentiellement, ces approches considèrent que le savoir est quelque chose de relatif, variable selon les cultures, et qu’il y a plusieurs façons d’accéder à la connaissance, toutes aussi valides sinon plus que la méthode scientifique expérimentale. Parmi elles, le point de vue culturel, le ressenti personnel, l’observation, les savoirs traditionnels, les dogmes religieux, etc.
Au cours des 50 dernières années, les facultés d’éducation ont eu amplement le temps de se renouveler pour adopter une posture plus rationnelle, plus rigoureuse et en laissant une place plus grande aux données probantes et à l’effort nécessaire pour appuyer scientifiquement ce que l’on affirme. Mais elles ne l’ont hélas ! pas fait.
On l’a constaté dans les très rares critiques des professeurs universitaires à propos du Renouveau scolaire en l’an 2000, lequel n’était pas basé sur des données probantes.
On l’a aussi noté dans le rejet par 257 professeurs universitaires de l’idée avancée en 2016-2017 de créer un Institut national de l’excellence en éducation (INEE). On l’a encore vu dans les récentes levées de boucliers par de nombreux professeurs universitaires contre la modeste réforme au préscolaire qui sera appliquée à l’automne 2021, laquelle est pour une fois basée sur des données probantes et intègre donc l’apprentissage des lettres de l’alphabet, tout en conservant les objectifs de développement intégral ainsi que la prédominance des activités ludiques dans le programme.
Boyer, C., Baillargeon, N., St-Amand, J., Santarossa, D., St-Pierre, M. (2021). Pour la création d’Instituts nationaux de formation du personnel enseignant. L'Action nationale, 25 juin.
Il y a une douzaine d'années, un rapport déposé au ministère de l'Éducation proposait la création d'Instituts universitaires voués à la formation du personnel enseignant en adaptation scolaire. Ces instituts auraient été déployés sur tout le territoire québécois et auraient relevé de commissions scolaires, plutôt que des universités.
Secret de polichinelle, les universités ont réservé un accueil plutôt froid à ce projet, peut-être parce qu'il pouvait les priver d'une clientèle captive et peu coûteuse — il faut savoir que le mercantilisme est hélas désormais confortablement installé à demeure à l'université. Nombre de doyens et professeurs d'université ne sautèrent pas de joie devant l'idée de tels instituts, ce projet étant en soi une critique sévère de la qualité et de la pertinence de la formation offerte en adaptation scolaire dans les facultés d'éducation. Le rapport semble avoir été enterré dans le tumulte de la grève étudiante de 2012 et l'aversion générale du monde universitaire. Rien là d'étonnant : les poulets ne se portant que rarement volontaires pour aller à l'abattoir.